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La Tour de Nerville

30 avril 2015

En Forêt de L'Isle-Adam La Tour de Nerville En

 

En Forêt de L'Isle-Adam

 

 

La Tour de Nerville

 

 

En forêt de l’Isle-Adam, se dirigeant vers le village de Nerville-la-Forêt, le promeneur peut remarquer un panneau indicateur à l’emplacement où jadis était érigée une tour. C’est l’Histoire de cette tour que nous allons essayer de conter brièvement.

 

 

tour de Nerville 2

 

Louis-François-Joseph de BOURBON-CONTI (1734-1814) était, comme son père, grand amateur de chasse. Il n’avait de cesse d’agrandir ses possessions dans la forêt de l’Isle-Adam par achats ou échanges et de segmenter cette forêt de routes et de chemins afin d’en faciliter l’accès.

Après la mort de son père, Louis-François de BOURBON-CONTI (1717-1776), ll hérita de ses dettes, mais ayant une fortune personnelle, il s’empressa de faire d’importants travaux concernant le château dans l’ile, en le surmontant d’un étage et de combles, et de construire de belles et grandes écuries (aujourd’hui à l’emplacement en partie du parc Manchez).

Le 26 juin 1777, le Prince de CONTI donna ses directives à son architecte-expert Jean-Baptiste ANDRÉ, qui lui était attaché depuis juin 1775, pour percer, notamment, une nouvelle route de 562 pieds (environ 182 mètres) dans la Haute forêt de L’Isle-Adam, allant du « Chêne du Loup » au « Poteau de Nerville ».

Ce poteau était situé à un carrefour de sentes en étoile qui faisait partie du domaine de Maffliers.

foret lA poteau de Nerville 27 01 1778 copie

Partition du Domaine de Maffliers.          Plan janvier 1778.       Parcelle H = "Petits Hutriaux" de 33 arpents, 54 perches

Ayant déjà la jouissance du droit des chasses acquise par son feu père depuis le 5 mai 1746, Louis-François-Joseph Prince de CONTI achètera le 27 janvier 1778 tout le domaine forestier de la baronnie de Maffliers au Baron et à la Baronne de HEISS, soit plus de 270 hectares.

A l’emplacement de ce poteau, au centre du carrefour des chemins, entre février et septembre 1778, le Prince fit entreprendre l’élévation d’une tour pour observer les chasses. Point culminant de la forêt, le sol, à cet endroit, est à l’altitude de 194 mètres au dessus du niveau de la mer.

 

Tour de Nerville sur plan vers 1778

Plan de la forêt de L’Isle-Adam vers 1778

La construction, de 18 pieds de diamètre (environ 6 mètres), avait une hauteur également de 6 mètres. Elle se composait d’un rez-de-chaussée surmonté de deux étages, au dessus desquels avait été aménagée une plateforme ou terrasse d’où les invités pouvaient observer le débucher des cerfs, chevreuils, daims, sangliers etc…fort nombreux cette époque, et qui provenaient soit de la Haute forêt de l’Isle-Adam, soit de la forêt de Carnelle voisine. Un escalier desservait chaque étage. Lors des chasses, au pied de la tour attendaient 6 chiens couplés prêts à courir après le cerf, le "Relais" .

 

rendez vous de chasse_modifié-1

 La tour pouvait ressembler un peu à celle-ci.

Le Prince fit construire dans la forêt d’autres rendez-vous de chasse, mais pas sous cette forme. Cette tour était unique.

La chasse était pratiquée en toutes saisons, presque tous les jours, sauf lors des fêtes religieuses.

Ces Rendez-vous de chasse n’étaient pas habités en permanence. Il y en avait quatre autres répartis dans et autour de la forêt :

Une maison au « Pavillon de Paris » avec écurie et chenil.

Une petite maison à la grille de Paris.

Une maison avec écurie pour 10 chevaux et chenil à la grille de Baillet

Une petite maison avec un petit chenil à la grille du Tremble.

(D’autre part, il y avait 7 maisons habitées par les gardes chasses).

En 1800, à défaut de pouvoir être réparés, il fut décidé de raser ces rendez-vous de chasse car, ayant été laissés à l’abandon, ils servaient de repères aux brigands. Concernant la tour de Nerville, les portes et les croisées avaient été volées, puis, peu à peu, le fer, le plomb, les tuiles et charpentes avaient disparu. 

Les matériaux qui restaient furent vendus aux plus offrants par l'inspecteur des bois, le citoyen LALLEMAN.

Par la suite, un poteau indicateur de chemins remplaça la dite tour.

 

poteau de la Tour de Nerville

Le poteau de la tour de Nerville en 1900.

 

 

forêt Isle Adam 3 L'ISLE-ADAM

Plan de la forêt de L’Isle-Adam vers 1955

 

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Anecdote

 

Dans son ouvrage « L’Isle-Adam, Perle de l’Ile de France », Blanche Vogt narre cette anecdote :

« …De la Tour de Nerville que Monsieur de CONTI fit élever pour observer le débucher du cerf, distinguée compagnie vit un plébéien se dissimulant sous un roncier.

- Ça ! dit Monsieur de CONTI, qu’on m’amène ce maraud !

Quand, tremblant d’angoisse, le pauvre hère fit face :

- Maraud, qu’y a-t-il en ta besace ?

- Un tout petit lapereau, très auguste Seigneur !

Le léporide avait encore le fil de fer au col. Monsieur de CONTI entra en grande fureur. Il ne fut jamais tendre pour les braconniers !

- Ça, dit-il à un veneur, confisquez le garenne et le payez de dix coups de bâton.

Puis, l’ire enflammant son œil et le poing sur la tempe, par saint Hubert, Monsieur de CONTI supputa :

- J’ai le droit de pêche en la rivière et droit de chasse sur toutes terres du Vexin. A moi, gens d’armes !

Monsieur de CONTI réclama du Roi la première brigade de maréchaussée pour l’Isle-Adam, et il l’obtint. Au grand dam des pauvres braconniers qui, eux, ne chassaient pas pour leur plaisir ».

 

Claude AUBOIN

L'Isle-Adam, le 30 avril 2015

*

 

L'hallali du cerf bis "L'hallali du cerf" en forêt de l'Isle-Adam de M.B. Ollivier

 

 

Les «ahah» de la forêt de l’Isle-Adam.

 

La forêt de l’Isle-Adam fut donnée aux princes de Conti en 1651, lors de la succession du prince de Condé, Henri II. Le fils aîné, Louis II appelé aussi «le Grand Condé», reçut le domaine de Chantilly. Les domaines de l’Isle-Adam échurent au fils cadet, le prince de Conti. Les princes de Conti eurent la chasse à courre en passion.


 

HA HA 1

 Une chasse de l'équipage de Conti – Musée Condé à Chantilly. Crédit photo : Mélanie Demarle – A.D. Braun & Cie

 

Ils firent aménager leur forêt pour leur usage exclusif, en créant de vastes allées pavées et en la faisant clôturer(1). Ils rétribuèrent de nombreux gardes pour la contrôler et y faire valoir leurs droits de propriété exclusive. Bien entendu, les paysans y avaient des droits d’usage ancestraux(2) qui ne coûtaient guère aux princes : le ramassage des châtaignes et des champignons pour leur nourriture, le ramassage des glands pour celle de leurs porcs, le ramassage du bois mort pour leur chauffage, etc...

Mais comme nous le dit Francis Arzalier dans son livre Des villages dans l’histoire : la vallée de Montmorency (1750 à 1914): «Les limites sont vite atteintes, les gardes sont là pour empêcher le braconnage et l’utilisation des arbres, même morts »

Le règlement de police du 1er septembre 1780 pour l’isle-adam nous rappelle la longue liste des interdictions imposées à la population dans la forêt des princes : «...Il est interdit de pâturer dans les bois des seigneuries et grueries, et de laisser approcher les bestiaux des bois taillis à moins de 3 toises(3),...de couper du bois mort dans ces forêts, et de ramasser sans autorisation herbes, bruyères, glands, feuilles, noisettes, et autres fruits, d’arracher des plants, ... chasser, détruire ou ramasser des œufs de perdrix ou de faisans, etc... »

Les documents d’archives nous informent que ces restrictions iront même jusqu’à interdire à tous les enfants de l’Isle-Adam et de Domont, où qu’ils se trouvent, de jouer les jours de fête et les dimanches à l’heure des offices divins, sous peine d’une très forte amende pour les parents! Ainsi, le dernier des princes de Conti, à la veille de la Révolution, put consacrer à sa passion de la chasse plus de 310.000 livres(4) pour faire aménager ses parcours de meute en forêt. Il fit entourer son territoire de chasse par des murs,sur une longueur de 11.160 toises, soit plus de 21 kilomètres !

Ce mur commençait du haut de l’avenue de Paris, descendait le long du domaine de Cassan puis celui des Vanneaux. Il coupait ensuite la plaine de Presles et longeait Nerville la forêt jusqu'à la porte du Bois-Carreau, où il se prolongeait jusqu'au parc de Maffliers. Il allait ensuite vers Montsoult, revenait par le Rond Boucault, puis longeait la lisière de la forêt jusqu'à la Croix-Labbé, à l'exclusion des Hauts-Buis. Il rejoignait ensuite la porte de Baillet, puis la porte Noire et descendait en longeant le coteau de l’étang. Il suivait ensuite la limite du domaine de Stors, puis rejoignait l'avenue de Paris, en passant par la porte des Bonshommes. Des grilles fermées à clef assuraient l’accès à la forêt.

Un état daté de 1785 donne la liste des 78 personnes possédant une clef. La forêt était bien gardée !

Le mur, dans la traversée de la plaine de Presles du côté de Prérolles et du côté de la plaine de Béthemont fut remplacé par des «ha-ha». Ces constructions furent établies sur une longueur de 2.000 toises.

 HA HA 2

Les «ha-ha», vous ne savez pas ce que c’est ?

 

Ce sont des clôtures qui ont fait la révolution des équipements paysagés du XVIIIème siècle. Elles ont été inventées par les paysagistes anglais

Charles Bridgeman et William Kent. Avant leur invention, les propriétés et châteaux étaient protégés des méfaits du gibier et des intrusions par des haies, des barrières, des grilles ou des murs. Cela obligeait aux parcs et aux jardins d’être fermés, donc isolés du paysage extérieur.

En plus, la présence de ces clôtures imposait dansle paysage un ordre humain au milieu du désordre naturel de la végétation. En un seul mot :les plus belles des clôtures, même bardées de volutes décoratives, étaient et sont toujours bien laides.

HA HA 3Vestiges du “haha” en lisière de la forêt de l’Isle-Adam, face à la plaine de Béthemont.

Grâce au «ha-ha», le jardin s'ouvrit à la nature etaux beautés du paysage qui l’entourait. Dans l’art des jardins, le «ah-ah», aussi appelé «saut-de-loup», décrit une séparation en creux.

Une sorte de fossé qui délimite un jardin et abolit en trompe l’œil la frontière entre le jardin et ses alentours.

L'observateur un tant soit peu éloigné ne perçoit plus la limite du domaine, qui se fond ainsi dans son environnement.

La tradition veut que le terme «ah-ah» provienne de l’onomatopée que lança un jour le jeune Louis de France (fils de Louis XIV) dans les jardins de Meudon.

Echappant à la vigilance de sa gouvernante qui lui interdisait de s’en approcher, il alla vers le bord du saut-de-loup et dit en riant : Ha ! Ha ! Ce n'est que cela qui doit me faire peur !

Par la suite, ses courtisans appelèrent les sauts-de-loup des ha-ha. C'est au XIXème siècle que ce mot remplaça définitivement le nom de saut-de-loup.

 

HA HA 4

Bien entendu, l’aspect paysagé n’était pas le souci premier du dernier prince de Conti quand il fit exécuter ces ouvrages.

Ce qu’il recherchait avant tout, c’était la possibilité de récupérer sur ses terres le gibier qui était attiré par la nourriture qui se trouvait à foison dans les champs des paysans alentours.

 HA HA 5 Vestiges du “haha” en lisière de la forêt de l’Isle-Adam, face à la plaine de Béthemont.

Le saut-de-loup créé pour les jardiniers fut transformé et adapté pour que le gibier qui entrait dans la forêt ne puisse en ressortir.

 

HA HA 6

 L’architecte du prince de Conti, Jean-Baptiste André, fit creuser un large fossé de 2,50 à 3 m de profondeur sur 8 à 10 mètres de largeur.

La terre de remblais servit à surélever la partie extérieure, qui fut maintenue par un mur droit dépassant du sol d’une cinquantaine de centimètres.

Le côté intérieur du fossé fut nivelé en pente douce, de façon qu’un animal puisse sauter dans le fossé sans se casser les pattes.

Mais une fois à l’intérieur, il ne pouvait en étant à plusieurs mètres en contrebas, sauter au-dessus du mur pour en ressortir.

 HA HA 7 Vestiges du “haha” en lisière de la forêt de l’Isle-Adam, face à la plaine de Presles.

 

HA HA 8

 Une partie de ces sauts de loup existent encore, en très mauvais état, du côté de Prérolles et du côté de la plaine de Béthemont.

 

Jean-Pierre Auger

 

 

 

Le carrefour Capitaine

 

Ce carrefour à la croisée de la route de Stors et de la route Capitaine, était anciennement appelé «poteau capitaine».

A quoi correspond ce nom si particulier dont nous avons tout oublié, mais qui fut généralement exécré par nos ancêtres ? Il nous rappelle que sous l'Ancien régime, le droit de chasser était le privilège de la haute noblesse et du roi, sous la fallacieuse raison d’entrainement à la guerre. La chasse était totalement interdite au peuple et à la bourgeoisie.

 

Le carrefour Capitaine 1

 

Jusqu’au XIIIème siècle, l’organisation des domaines des chasses royales fut attribuée à des officiers forestiers : maîtres des eaux et forêts, gruyers et verdiers, nommés par le roi.

C’est François 1er qui attribua aux nobles de son entourage immédiat (contre finances sonnantes et trébuchantes, naturellement !) la fonction très honorifique de Capitaine des Chasses. Le Capitaine était responsable de l’organisation des chasses royales, mais également de l’approvisionnement du gibier et de l’entretien des routes forestières sur un domaine établi, appelée Capitainerie. Ces circonscriptions administratives et judiciaires furent organisées en 1547 par un règlement d’Henri II. Elles englobaient un territoire souvent fort étendu, dont toutes les parties étaient frappées de servitudes vexatoires et arbitraires : les propriétaires ou fermiers ne pouvaient y tuer le moindre gibier, même pour protéger leurs récoltes. Les jarrets de leurs chiens devaient être coupés de manière à ce qu’ils ne courent après le gibier. Les habitants pouvaient être réquisitionnés prioritairement et à volonté pour l’entretien de la forêt et des chemins. Ils ne pouvaient couper les bois taillis pour leurs besoins en chauffage et pour faire cuire leur nourriture. Ils ne pouvaient faucher les cultures ou vendanger avant certaines époques. Il leur était interdit de faire des enclos ou des fossés pour empêcher le gibier d’aller manger dans leurs champs, etc...

Voici un extrait du règlement de police du dernier prince de Conti, en date du 1er septembre 1780 pour le village de l’Isle-Adam et des 16 baillages contigus :

«Il est interdit de pâturer dans les bois des seigneuries et grueries, et de laisser approcher les bestiaux des bois taillis à moins de 3 toises... de couper du bois mort dans ces forêts et de ramasser sans autorisation herbes, bruyères, glands, feuilles, noisettes et autre fruits, d’arracher les plants... chasser, détruire ou ramasser des œufs de perdrix ou de faisans, etc...».

Le Capitaine était assisté par un gruyer chargé de l’entretien de la forêt, de nombreux gardes forestiers armés et d’un procureur chargé de punir les délits de chasse (1). A l’Isle-Adam, la Capitainerie était un bâtiment situé près du pont du Cabouillet. Juste avant la Révolution, l’inspecteur général André Mellet y habitait et avait sous ses ordres 70 gardes et un geôlier. La prison se trouvait sur le pont du moulin. Huit des gardes étaient chargés de l’approvisionnement du prince de Conti en gibier et en poisson. En octobre 1789, alors que le peuple criait famine et se révoltait, ils fournirent pour les besoins personnels de Son Altesse Sérénissime le prince de Conti, 4.731 pièces de gibier (2) !

A partir du XVIIème siècle, le pouvoir royal ayant de plus en plus besoin d’argent, les Capitaineries se multiplièrent d'une façon abusive.

À la veille de la révolution, les protestations qui s'étaient depuis longtemps élevées contre les Capitaineries des Chasses, à cause des vexations auxquelles elles donnaient lieu et du dommage qu'elles causaient à l'agriculture, trouvèrent un écho dans les cahiers du Tiers Etat.

L'Assemblée constituante, après un mémorable débat dans lequel Mirabeau formula les bases des principes actuels en matière de chasse, vota le 11 aout 1789 l'abolition des Capitaineries. Cela n’empêcha pas certains Capitaines de vivre de mauvais jours, comme à Boisemont où la population excédée trucida le sien !

 

Le carrefour Capitaine 2

 

Mais n’oublions pas non plus qu’une charge de Capitaine s’achetait assez cher. Prenons l’exemple des Ribault pour leur charge dans la forêt de Saint-Germain. Lorsque Michel Vincent reprend la charge de son père, il doit lui verser 600 Livres, soit 2.400 euros. Il paie au Maréchal de Noailles pour les provisions 1.000 livres (soit 4.000 euros) et pour la réception à la Capitainerie et l’enregistrement du titre à l’élection et la cour des Aides de Paris 100 livres, soit 400 euros. Ce qui fait la somme de 1.700 livres ou 6.800 euros, ce qui équivalait à 50 ans de salaire d’une servante (3). En plus de sa rémunération, la fonction offrait tout de même quelques avantages, comme l’autorisation de chasser et de vendre à son compte les peaux du gibier capturé ou l’exemption du paiement du très, très impopulaire impôt de la Taille. Mais son plus grand mérite était sans contestation dans le pouvoir quasi absolu que détenait le possesseur de cette charge, dont aucune action (j’allais dire exaction...) ne pouvait être portée en justice. Les rois et princes pour lesquels ils intervenaient étaient titulaires des droits de haute et de basse justice pour toute la région et les procédures engagées par le commun des mortels ne pouvaient donc aboutir.

 

Jean-Pierre Auger

 

Le carrefour Capitaine 3

Aquarelle sur Vélin de C. Darras – Le carrefour capitaine en 1928

 

 Note :

(1) Léon Janrot dans son livre Le village d’autrefois, Herblay, précise que le cultivateur qui détruisait les bêtes pour sauver ses grains, ses prés ou ses vignobles pouvaient subir les peines suivantes :

• Pour avoir détruit des œufs, on infligeait la première fois une forte amende ; la seconde fois, la même amende doublée ; la troisième fois, le supplice du fouet et le bannissement.

• Pour l’emploi de lacets ou de collets, la première fois le supplice du fouet et le bannissement ; la deuxième fois le braconnier était fouetté en place publique, flétri au fer rouge et banni pour six ans.

(2) La quantité de gibier dans les forêts à cette époque est à peine croyable. Laurence Mauguin dans sa thèse (Maîtrise Paris IV – Archives Condé 134D) sur l’étude du «journal des chasses» de J.Toudouse, lieutenant des chasse de Condé à Chantilly donne le chiffre inouï de 1.034.446 pièces de gibier abattues entre 1748 et 1785, soit plus de 28.000 par an ! Une battue aux lièvres effectuée entre les 11 et 13 avril 1759 permit d’en capturer 1.439 !!

(3) Toutes choses devant être comparées, François-Yves Besnard dans ses Souvenirs d’un nonagénaire indique pour la fin de l’ancien régime, les chiffres suivants pour les gages annuels de :

• Un premier garçon laboureur, 84 à 90 Livres, soit 336 à 340€,

• Un charretier, 54 à 66 Livres, soit 216 à 264€,

• Un garçon d’écurie, 60 à 66 Livres, soit 240 à 264€

• Une servante, 24 à 33 Livres, soit 96 à 132€. La nourriture des domestiques était comprise, mais elle consistait surtout en pain, beurre, galettes, quelquefois du lard, rarement de la viande et la boisson était de l’eau.

 

 

 

poteau capitaine 2bisLe Poteau Capitaine au début du XXème siècle

 

 

 

Divers

 

La table de Cassan

Sa présence est attestée dès 1766, date à laquelle elle constitue le centre de la fête de chasse donnée en l'honneur du prince Brunswick-Lunebourg par Louis-François de Bourbon-Conti. Elle a été légèrement déplacée, en 1846, pour permettre la construction de l’actuelle route départementale 922. En 1944, le  maire de l’isle-Adam, Marcel Riant, la fit transporter dans la cour de l'hôtel de ville pour être mise à l'abri des bombardements alliés sur la forêt de Cassan.

 Les propriétaires de la forêt de l’Isle-Adam

Nous retrouvons des traces d’occupation de la forêt dès la préhistoire : le mégalithe de la Pierre Plate en est le témoignage.

Au Moyen-âge elle devint forêt royale. Philippe le Bel aimait venir y chasser quand il venait à l’abbaye de Maubuisson,

En 1526, François 1er  l’offre en récompense au connétable Anne de Montmorency,

La forêt restera propriété des Montmorency jusqu’en 1632, à la mort du dernier des Montmorency qui après avoir trahit le roi de France et perdu la bataille de Castelnaudary fut décapité à Toulouse. Le domaine échut à sa sœur Charlotte, Marguerite, femme d’Henri II de Bourbon-Condé, le frère du Grand Condé. C’est leur fils Armand de Bourbon qui sera fait prince de Conti par Louis XIII en 1629.

Louis, François de Bourbon-Conti (1717-1776), dit le « Père prince» était un excellent chef de guerre, mais un comploteur né. Louis XIV préférait le voir sur ses terres de l’Isle-Adam, assez éloigné de sa cour, mais assez proche pour pouvoir intervenir en cas de conflit armé. C’est le «Père prince» qui fera aménager la forêt pour son plaisir de la chasse, en faisant tracer des allées en étoiles comme l’avait fait le paysagiste André Le Nôtre pour la forêt de Chantilly.

Son fils, le prince de Conti, Louis, François, Joseph, acculé par les dettes et ayant dilapidé l’immense fortune de son épouse Fortunée d’Este, fut contraint en 1783 de vendre ses domaine au roi Louis XVI pour 11 millions de livres, qui ne lui furent jamais payées.

A la Révolution, la forêt sera confisquée par la Convention Nationale et devient bien d’état. Après le décès du prince de Conti à Barcelone en 1814, Louis XVIII dont l’avarice est devenue légendaire, s’appropriera la forêt et fera même adopter par le Conseil d’Etat un décret stipulant que sa dette de 11 millions était frappée de déchéance !

A la fin de la monarchie, en 1848, la forêt retourne dans les biens d’Etat et devient forêt domaniale.

A partir de 1970, l’Etat en transfert la propriété au Conseil général du Val d’Oise, qui en confie l’exploitation à ONF.

Le bois de Cassan

En 1943, l’armée allemande réquisitionne le bois de Cassan pour y construire un entrepôt d’armes et de munitions pour l’aviation. Du matériel pour l’assemblage de fusées V1 y était également entreposé. De nombreux blockhaus, abris, citernes et casernements y sont construits. Près de 3.000 ouvriers y travaillent, dont quelques-uns sont hébergés sur place, les autres regagnent leur domicile le soir. Quelques bâtiments d’hébergement de cette période sont toujours visibles dans le camping naturiste de la voie aux vaches à l’Isle-Adam. Le site était protégé par 2 batteries de DCA, l’une à Parmain sur les hauteurs, l’autre au Nord- Est du bois, au lieu-dit Le Kiosque. Une voie ferrée en dérivation de la ligne de Mours, permettait d’acheminer sur le site le matériel, les armements et les munitions. Une fois déchargé, le matériel était transporté soit par camion, soit par une ligne de chemin de fer à voie étroite type Decauville vers les différentes zones de stockage.

Les Alliés bombardèrent le site le 5 juillet 1944 (3 vagues de bombardement), le 6 juillet (3 vagues de bombardement), le 13 juillet, le 1er  août 1944 avec 777 bombardiers, le 2 août 1944 avec 394 bombardiers,

Le 3 août avec 1116 bombardiers, le 4 août avec 291 avions, le 6 août avec 222 avions. Le 18 août, un nouveau raid aérien achève pour la dernière fois les destructions commencées. Les bombardements étaient effectués à haute altitude (8 à 10.000 mètres)…Inutile de préciser que les victimes civiles à Nogent, l’Isle-Adam, Mériel et dans les environs furent fort nombreuses et qu’il ne restait plus grand-chose debout sur les 70 hectares de forêt réquisitionnés. Les Allemands abandonnèrent le site le 30 août 1944, non sans s’être vengés sur les résistants connus ou soupçonnés comme tels.

Les aménagements de la forêt réalisés par le dernier prince de Conti

Pour la chasse à courre, le territoire de chasse des Conti était très étendu, puisqu’ils avaient des propriétés dans le Vexin : Mantes, Meulan, Parmain, Chambly, Méru, Mouy, Chaumont-en-Vexin, Trie-Château, Boissy-l’Aillerie, Cormeilles-en-Vexin, Grisy-les-Plâtres, Epiais, Valmondois, Auvers, Ennery,  Vallangoujard, Labbeville ; mais aussi au Nord de la rivière de l'Oise : Saint-Martin de Pontoise, Vauréal, Beauchamp, Franconville, une partie de la forêt de Montmagny, Frépillon, Taverny, Villiers-Adam, Nointel, Presles, Nerville, Béthemont, Mours, Beaumont, le Plessis-Belleville.

Leur domaine de vénerie le plus proche était constitué par les forêts de l’Isle-Adam et de Carnelle. D’après un plan d’intendance de 1780, la totalité des forêts de L’Isle-Adam, Nogent et Stors représentait environ 1.723 ha, alors que la forêt domaniale actuelle ne représente que 1.548 ha.

Pour chasser le petit gibier, les princes de Conti utilisaient la «Petite Plaine» jusqu’au territoire de Mours et la plaine du Vivray. Le nom de Faisanderie indique encore l'emplacement où ils faisaient élever leurs faisans. Le nom du bois des Parquets rappelle le lieu où ces faisans étaient parqués pour grandir avant d’être lâchés. De même, le lieu-dit la Garenne rappelle que c’était le lieu de la réserve où étaient élevés les lapins.

Négligé par ses prédécesseurs, le dernier prince de Conti prit de beaucoup de soins à l’entretien de son domaine de chasse à l’Isle-Adam. Il fit faire dans sa forêt des travaux d’aménagement considérables dont il confia l’exécution à son architecte André. Il y consacra plus de 310.000 livres. Si l’on fait une comparaison basée sur le pouvoir d’achat, cette somme correspondrait à 3.500 ans de salaire annuel pour un ouvrier, soit à notre époque l’équivalent d’environ 60 millions d’euros !

Il fit paver de grès les principales routes et chemins pour permettre aux carrosses de rouler sur les voies menant à ses rendez-vous de chasse : route de Paris, route des Bonshommes, route de Conti, route de Bois-franc, grande route du Larry. Il fera également réparer les maisons de garde existantes et il en fera construire 5 autres : à la grille de L’Isle-Adam, à la Croix l’Abbé, à la grille des Quatre Marronniers, à la grille des Peupliers et une pleine forêt, au carrefour actuellement appelé la Baraque.

Il fera également construire six rendez-vous de chasse. Ces constructions n’étaient pas habitées en temps normal. Elles étaient situées : au croisement de la barrière de séparation (route des Bonshommes ?) et de la route de Bois-franc, au carrefour de Baillet, au carrefour de route de Paris «le Pavillon de Paris», à la grille du Tremble, à la grille de Paris. La construction la plus importante fut édifiée au carrefour de neuf routes dit «du poteau de la tour» au point culminant de la forêt (195m). C’était une tour de trois étages qui permettait aux invités du Prince de Conti de suivre la chasse à courre.

Il fit également clôturer sa forêt sur plus de 25 km, dont 21 km en murs maçonnés de 2,70 m de haut et près de 4 km en saut-de-loup.

Les «sauts-de-loup» ou «ha-ha» ont été créés au XVIIIème siècle par les paysagistes anglais Charles Bridgeman et Willian Kent pour remplacer les murs et les barrières de clôture. C’étaient de profondes tranchées creusées au sol, interdisant l’accès aux propriétés tout en étant invisibles depuis les fenêtres  des châteaux. Le terme «ah-ah» qui était utilisé au XIXème siècle, provient d’une onomatopée que lança un jour le jeune Louis de France (fils de Louis XIV) dans les jardins de Meudon. Echappant à la vigilance  de sa gouvernante qui lui interdisait de s’en approcher, il alla vers le bord du saut-de-loup et dit en riant : «Ha ! Ha ! Ce n'est que cela qui doit me faire peur ! ». Par la suite, les courtisans appelèrent les «sauts-de- loup» des «ha-ha».

A l’Isle-Adam, les «sauts-de-loup» créés par l’architecte André sont de vastes fossés larges et profonds dont la berge extérieure était rehaussée par un mur descendant verticalement dans le fossé et dépassant  le niveau de la berge de 0,70m environ. La berge intérieure descendait en pente douce vers le bas du fossé. Un animal pouvait donc entrer facilement dans la forêt sans se casser les pattes, mais ne pouvait plus en ressortir.

La forêt fut également recoupée en deux parties par une clôture en bois de 4,85 km, composée de barrières, ayant plus de 2,70m de hauteur et plus de 2,40m de large. La partie haute  (Parc de la Tour)  était réservée à la chasse au sanglier alors que la partie basse (Parc de l’Isle-Adam) était consacrée à la chasse au cerf, au daim et au chevreuil.

On pouvait accéder au «Parc de l’Isle-Adam» par sept portes : celles de L’Isle-Adam, des Bonshommes,  de Stors, du Larry, des Marais, la Porte Noire ouvrant sur le parc de l’abbaye du Val, la Porte de Paris orientée vers Presles. Le «Parc de la Tour» était accessible par six portes : celle des Quatre Marronniers, de Lamassée, des Peupliers, de Montsoult, de Nerville et du Bois Carreau. Certaines portes étaient équipées de grilles pouvant fermer à clé comme la grille de la porte de L’Isle-Adam ; les autres étant fermées par des barrières en bois. Sur Nerville-la-Forêt, 300 arpents (environ 100 ha) de forêt étaient également entourés de murs et servaient à l’élevage des sangliers. On y accédait par 2 portes.

 

forêt L'Isle-Adam 1

 

Le personnel de vénerie du dernier prince de Conti

Un personnel important était à la disposition du prince pour lui permettre d’assumer sa passion de la  chasse :

  • Un commandant de vénerie : le comte Desgraviers, qui sera l’héritier unique du prince de Conti et qui sera spolié de son héritage par les Orléans,
  • Un régisseur : Jean-Baptiste Chevreau,
  • 4 piqueurs : Jean-Maillet dit «La brisée», Pierre Dagincourt dit «L’assemblée», Antoine Vache dit «La feuille», Guillaume Aubry,
  • 2 valets limiers : Charles Cornu dit «Charlot», Nicolas Gosselin dit «Grippe soleil»,
  • 9 valets de chiens à cheval,
  • 6 valets de chiens à pied,
  • 1 valet conduisant les mulets,
  • 1 boulanger,
  • Plusieurs postillons d’attelage, dont le plus connu est Pierre Dumont (père et fils) dits tous les deux «Pierrotin» et qui plus tard assureront la conduite de la diligence faisant le trajet de Paris à l’Isle- Adam.

Il faut ajouter à ce personnel les 70 gardes-chasse et le geôlier, qui étaient placés sous les ordres de l’inspecteur général André Mellet qui habitait à la Capitainerie sur le pont du Cabouillet.

La vénerie du prince comportait 3 meutes de chiens logés à l’angle de la Grande-rue et de la rue Saint- Lazare.

Pour la chasse, le prince avait fait construire des écuries sur la berge, côté l’Isle-Adam. Elles pouvaient accueillir 225 chevaux et le personnel qui en était chargé. Ces écuries lui avaient coûté 638.747 livres, soit plus du double des aménagements réalisés en forêt. 166 chevaux étaient réservés uniquement pour son loisir de la chasse !

Que nous reste-il de cette époque fastueuse ?

Il nous reste les noms des carrefours ou des routes, qui s'inspirent :

  • soit des noms de pays : pavillon de Paris, rond de l'Isle-Adam, porte Baillet;
    • soit des essences forestières : carrefour du Tremble, les quatre marronniers, le poirier greffé, route du pommier;
    • soit de certains gibiers : le chêne au loup, la route des louveteaux, route aux sangliers ;
    • soit d’épisodes de chasse : carrefour du coup de pied à Launay (maintenant carrefour Parade),
      • soit encore de noms de personnes : route Conty, route André, route Prévost, route des Bonshommes (en souvenir des bienfaits religieux) ;
      • soit enfin du terrain : route du Mauvais Pas, route Glaiseuse. Les écuries ont été démolies pour en vendre la pierre,

Les murs de la forêt sont tombés et l’on n’en voit plus que quelques traces au sol,

Les maisons de garde et rendez-vous de chasse n’existent plus, sauf pour 4 d’entre-eux, La tour de Nerville n’existe plus, mais le carrefour où elle était porte maintenant son nom, La chasse à courre a été interdite en 1936.

La survie du gibier est devenue incompatible avec la présence de milliers de citadins, vététistes et chercheurs de champignons qui s’y promènent le dimanche.

Il nous reste ces quelques vestiges du saut-de-loup de Prérolles… Mais pour combien de temps encore ?

 

forêt L'Isle-Adam 2

 

Vestiges du saut-de-loup de Prérolles. Photo prise en 2012.

 

Jean-Pierre Auger

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